Le Liban à l’Age de pierre

International
De notre correspondant au Liban, Sophie Akl- Chedid

A chaque jour suffit sa peine, dit-on. Au Liban, il ne s’agit plus de peine mais d’un inconcevable fardeau. Après le gel de leurs dépôts bancaires, le Covid, l’inflation ahurissante, la pénurie de carburants et d’électricité, c’est le secteur de la Santé qui met aujourd’hui les libanais en état d’alerte maximale. Le corps médical craignait le pire après l’annonce faite par le syndicat des propriétaires d’hôpitaux privés que les établissements hospitaliers pourraient se trouver très vite dans l’incapacité d’administrer des traitements à caractère vital et de pratiquer certaines opérations faute de matériel médical. La compagnie d’assurance NextCare vient de publier une liste de 24 hôpitaux qui ne sont désormais plus en mesure de recevoir des patients ainsi que 33 laboratoires d’analyses en rupture de stock de réactifs. Le néphrologue Fadi Tohmé ne mâche ni ses mots ni sa colère : « S’il n’y a plus de stock d’ici à une semaine, des gens vont mourir à cause d’un bout de plastique. Ne plus pouvoir faire de dialyse, c’est le signe de la fin de la société ». « C’est le chaos. Le ministère de la Santé est aux abonnés absents, le gouvernement inexistant et les hôpitaux en subissent les conséquences », explique le directeur du prestigieux Hôpital Rizk. Pour L’Orient-le Jour, une infirmière se confie : « J’ai assez de stock pour ce mois, mais après, je leur dis quoi ? Bye, allez mourir chez vous ? Ils (les autorités) sont en train de tuer les gens. » A ce constat dramatique s’ajoute la menace permanente d’un blackout total, les centrales comme les générateurs privés risquant à tout instant d’être privés de mazout, mettant en danger de mort tous les malades, hospitalisés ou à domicile, dont la vie dépend de machines électriques. Les pharmacies ne valent pas mieux, également confrontées à la pénurie de médicaments, contraignant les habitants à faire le tour des officines du pays pour tenter de trouver l’indispensable, en particulier pour les diabétiques, cancéreux ou cardiaques. Pour les autres, c’est retour à la médecine traditionnelle et aux recettes de grand-mère, plus de 350 médicaments de marque ou génériques ayant disparu des rayons, dont les antidépresseurs et autres anxiolytiques introuvables depuis plusieurs semaines. Pourtant, une pharmacienne se confie : «Les médicaments sont bien présents au Liban, mais retenus dans un dépôt. Ils ont été livrés, mais n’ont pas été payés ! » Le ministère de la Santé a également bloqué les subventions des traitements anticancéreux et ce sont les patients doivent payer la différence du taux de change entre la livre et le dollar au cours du marché noir, soit 10 fois le revenu minimum. Pendant ce temps, les gardes du corps du gendre de Michel Aoun et patron de son parti ont passé à tabac une jeune femme qui avait osé jeter dans sa direction un « c’est une honte » dégouté. Le Président avait dit en 2016 « Ou moi, ou le chaos » pour forcer son élection. Nous avons les deux mon général !

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