Voici des extraits du rapport d’Amnesty International de 2018
“Notre but consiste à ce que les criminels ne soient pas jugés mais tués.”
Rouhollah Khomeini, guide la révolution iranienne (1979).
Monsieur Ebrahim Raïssi a été élu président de la République Islamique le vendredi 18 juin 2021.
Suite à cette élection, dès le premier tour, nous rendons public une partie du rapport d’Amnesty International publié en 2018 sur le travail des “commissions de la mort” installées en Iran en 1988 par Khomeiny et dont Monsieur Raïssi faisait partie.
Le rapport original a été rédigé en anglais et en farissy.
À la fin du mois de juillet 1988, des milliers de dissidents politiques détenus dans des prisons à travers l’Iran ont soudainement disparu. Il s’agissait pour la plupart de jeunes hommes et femmes, certains n’étant que des adolescents, injustement emprisonnés en raison de leurs opinions politiques et de leurs activités politiques non violentes.
Les autorités ont suspendu les visites des familles sans donner de raisons.
Après quelques mois, des rumeurs terrifiantes ont commencé à circuler au sujet d’exécutions massives secrètes et de l’abandon des corps dans des fosses communes non marquées.
Les pires craintes des familles ont été confirmées à partir de la fin octobre 1988, lorsque les visites des prisons ont repris et que les autorités ont informé de nombreuses familles que leurs proches avaient été exécutés.
Les autorités ont traité les meurtres comme des secrets d’État.
À trois reprises, le mur du secret a été ébranlé et, à chaque fois, les autorités ont réagi par des représailles et ont accusé les personnes ayant divulgué des documents relatifs à la préparation, la planification et la mise en œuvre coordonnée des massacres de 1988 de “divulguer des secrets d’État” et de “menacer la sécurité nationale”.
En 1989, des lettres exprimant des inquiétudes au sujet des exécutions, adressées au Guide suprême Rouhollah Khomeini par son adjoint Hossein Ali Montazeri ont été divulguées.
En 2000, une copie de la fatwa secrète par laquelle, en juillet 1988, Rouhollah Khomeini a ordonné les massacres a été publiée. La Fatwa est inclus au rapport original d’Amnesty International.
En 2016, un enregistrement audio d’une réunion officielle de haut niveau qui a eu lieu en août 1988 entre Hossein Ali Montazeri et les responsables des massacres à Téhéran a été mis en ligne.
Un nombre important de personnes soupçonnées d’avoir participé aux disparitions et aux exécutions sans jugements qui ont eu lieu en 1988 occupent ou ont occupé des postes de pouvoir en Iran.
L’un d’eux vient même d’être élu président de la République Islamique.
Amnesty International a mené son enquête de septembre 2017 à novembre 2018.
Au cours de cette enquête, les témoignages de 41 survivants, 54 membres de la famille de victimes, 11 anciens prisonniers et 10 autres témoins de 28 villes d’Iran, ont été obtenus.
Aussi, les rapports des médias et les déclarations publiées par les autorités iraniennes et les organes des Nations unies, ainsi que les archives de l’organisation ont été consultés.
Amnesty International a pu mettre la main sur un enregistrement audio de la réunion de 1988 où l’on entend les membres de la “commission de la mort” de Téhéran discuter des meurtres.
Amnesty International a obtenu et vérifié des certificats de décès, des photos et des images de pierres tombales de dizaines de victimes exécutées et a comparé des listes et des bases de données contenant des milliers de noms.
Les recherches d’Amnesty International ne laissent aucun doute à l’organisation sur le fait que, pendant plusieurs semaines, entre fin juillet et début septembre 1988, des milliers de dissidents politiques ont été kidnappés puis incarcérés dans les centres de détention iraniens du pays et exécutés en vertu d’un ordre émis par le Guide suprême de l’Iran, l’Ayatollah Khomeiny.
Avant leur exécution, un nombre important de prisonniers ont été torturés et soumis à de traitements cruels, inhumains et dégradants.
Les autorités iraniennes ont refusé de reconnaître officiellement les meurtres, de faire toute la lumière sur le sort des victimes, y compris sur les causes et les circonstances des meurtres, d’identifier les dépouilles mortelles et de veiller à ce qu’elles soient restituées à leur famille.
La dissimulation systématique du sort des victimes et de l’emplacement de leurs dépouilles a également consisté à ne pas fournir aux familles de certificats de décès ou en délivrant des certificats de décès inexacts ou incomplets quant aux causes, circonstances et dates du décès.
Les “commissions de la mort” ont été formées dans l’ensemble des provinces iraniennes.
Ces commissions étaient composées d’agents relevant du ministère de la justice, des services de renseignement et d’officiels travaillant dans les prisons.
Les “commissions de la mort” ne ressemblaient en rien à un tribunal et leurs procédures étaient sommaires et arbitraires. Elles fonctionnaient en dehors de toute législation existante et ne cherchaient pas à établir la culpabilité ou l’innocence des accusés par rapport à une quelconque infraction pénale reconnue au niveau international. Il n’y avait aucune possibilité d’appel de la procédure. Leur rôle consistait à condamner à mort tout prisonnier politique.
Ces prisonniers politiques étaient des gauchistes qui distribuaient des tracts contre le régime ou des sympathisants des mouvements armés opposés au régime de Téhéran et installés en Irak.
Il y aurait au moins 5000 personnes exécutées. Une organisation iranienne a annoncé le nombre de 4672 personnes exécutées.
Les exécutions ont eu lieu entre Juillet et septembre 1988.
Les autorités iraniennes n’ont jamais rendu les corps des personnes exécutées à leur famille.
En 2016, Ahmad Montazeri rend public un enregistrement datant du 14 ou de 15 août 1988 et dans lequel on entend son père Hossein Ali Montazeri protester devant les membres de la “commissions de la mort” de Téhéran contre les exécutions en cours.
Novembre 2016, Ahmad Montazeri fut condamné à 21 ans de prison. Sa peine fut ensuite réduite à 6 ans avant d’être libéré rapidement.
Parmi les personnes qui ont fait partie des “commission des morts”, citons :
Ali Reza Avaei, ministre iranien de la Justice en 2018. Il était procureur général de Dezful, dans la province du Khuzestan, et a été chargé de participer à la “commission des morts” dans cette ville.
Hossein Ali Nayyeri, qui a agi en tant que juge de la charia dans la “commission des morts” de Téhéran, a été promu au poste de vice-président de la Cour suprême d’Iran en 1989 et est resté à ce poste jusqu’en septembre 2013. En 2018, il était à la tête de la Cour suprême disciplinaire pour les juges.
Ebrahim Raïssi a été procureur général adjoint de Téhéran en 1988 et membre de la “commission de la mort” de Téhéran. Il a été procureur général de Téhéran entre 1989 et 1994, premier chef adjoint du pouvoir judiciaire de 2004 à 2014 et procureur général du pays de 2014 à 2016. Il s’est présenté aux présidentielles en 2017. Lors d’une conférence donnée le 1er mai 2018, faisant référence aux informations des médias sur son rôle dans les massacres de 1988, il n’a pas contesté sa présence lors de la réunion avec Hossein Ali Montazeri, mais a noté que “pendant la période [en question], je n’étais pas le chef du tribunal… Le chef du tribunal prononce des sentences alors que le procureur représente le peuple”. Aussi, utilisant le mot “confrontation” en référence apparente aux massacres, il les a considérés comme “l’une des fières réalisations du système” et a fait l’éloge de Rouhollah Khomeini en tant que “héros national”.
Ebrahim Raïssi a été élu président de la République Islamique le vendredi 18 juin 2021.
Mostafa Pour Mohammadi, qui était le représentant du ministère du renseignement au sein de la “commission de la mort” à Téhéran, a été ministre de la justice entre 2013 et 2017. Le 28 août 2016, évoquant les informations diffusées par les médias sur les massacres de prisonniers et son implication dans ceux-ci, Mostafa Pour Mohammadi a déclaré : ” Je suis en paix et je n’ai pas perdu le sommeil pendant toutes ces années parce que j’ai agi conformément à la loi et à l’islam.”
Mohammad Hossein Ahmadi, qui a été juge de la charia de la province du Khuzestan en 1988 et membre de la “commission de la mort” du Khuzestan, était en 2018 membre de l’Assemblée des experts, un organe constitutionnel qui a le pouvoir de nommer ou de révoquer le Guide suprême de l’Iran. Pendant près d’une décennie dans les années 2000, il a également été à la tête de l’organe chargé de sélectionner et de nommer les juges dans tout le pays.
” L’Imam Khomeiny est un héros national de la lutte contre le nefaq… L’une des fiertés du système est son bilan de confrontation avec le courant du nefaq. Cela doit être considéré comme l’une des réalisations du pays. L’une de mes réalisations est que j’ai lutté toute ma vie contre la corruption, le nefaq, le vol, la fraude et le mal et je continuerai à le faire” .Ebrahim Raïssi, mai 1988.
René ALBANI