C’était pas si mal

Nous Sommes en 1969. Rien d’inquiétant ne transparaît. Les souks sont achalandés. Les fruits et les légumes sont abondants. Le pays à vocation commerciale est majoritairement agricole.
Les produits frais viennent des campagnes. Proches ou lointaines.
Quelques champs résistent encore du côté de Dora, Furn El Chubbak, Bourj Brajneh. Mais c’est le Sud surtout qui envoie les légumes et les agrumes. Les montagnes desservent les fruits depuis les hautes cimes plantées de pommiers..
Rien ne manque au pays. On n’entend pas des gens se plaindre des prix des aliments. Le salaire minima est de 260 livres, soit près de 100 dollars US. La classe moyenne est majoritaire. Les non libanais travaillent uniquement dans le bâtiment. L’émigration est en diminution.
Mais la ville s’engorge. Elle est attrayante. Les cinémas pullulent dans tous les quartiers Achrafieh en a trois.

Bourj -Hammoud, plusieurs. Sin el Fil , Hadeth en ont aussi.
Le centre-ville est un immense Mall, un terme inconnu des libanais à cette époque. On y trouve tout. De la quincaillerie à l’or.
Le souk des bijoutiers est internationalement connu. Les bateaux de croisière débarquent régulièrement des voyageurs qui vont tout de suite découvrir l’or exposé dans les vitines.
Mais l’or est aussi chez les changeurs. Certains l’exposent à même leurs comptoirs affichant le prix de vente des lingots proposés et vendus en toute liberté sans aucune protection.
Le pays est sûr. Le gendarme impose son respect.
Il est lui-même tenu de respecter le citoyen ayant commis une contravention. C’est par un salut militaire qu’il demande ses papiers au conducteur contrevenant.
Pas de photos de politiciens dans la ville . Sauf des affiches de cinéma. Celles des derniers films sortis au même moment en Orient et en Occident.
Les films indiens ont beaucoup d’amateurs. Les westerns aussi.
Il arrive que dans les salles on s’exalte. C’est que le public est bon enfant. Et c’est ainsi. On va aux séances de 15 heures, jusqu’à celles de 21 heures.
Les gens ont du temps pour s’amuser. Les journaux télévisés, à cette époque, parlent de l’enneigement des routes en hiver et l’été des festivals des fleurs à Bikfaya ou Zahlé.
Les moments du passage d’Abou Melhem ou ceux d’Abou Salim sont ceux qui recueillent le plus d’audience
« Yvette reçoit « est l’émission satirique du Canal 9 . Elle tourne en risée les nouveaux riches. Yvette Sursock joue le rôle de Yvette Weslet l’arriviste. Togo Saad est Firmin , le groom stylé. La dérision des mœurs est le thème..
Une dérision qu’Yvette ni ses spectateurs n’auraient imaginé éclater un jour, dans toute sa splendeur, des décennies plus tard…

Philippe Daher

Leave a Reply

%d bloggers like this: