Les interventions médiatiques de beaucoup d’opportunistes souvent portant la casquette de la révolution essaient de ridiculiser le combat depuis la nuit des temps de milliers de familles et villages, le décrivant tantôt de sectaire ou religieux ou extrémiste et intolérant tantôt de manipulé par des forces étrangères.
Le combat de ces milliers de familles n’a été qu’un combat pour les plus nobles des objectifs : La liberté, la paix et l’ouverture aux autres.
Revenons brièvement à la création du Liban actuel pour mieux comprendre le problème.
Le Liban actuel a été créé en 1920 suite à un accord entre la France et le patriarche maronite essentiellement, le patriarche maronite voulait une plaine fertile pour pouvoir assurer les denrées élémentaires et une côte pour pouvoir rester en contact avec le monde, à l’époque tous les transports se faisaient soit par voie maritime soit terrestre et le secteur manufacturier dans la région était très petit celui des services inexistant.
Beaucoup de Libanais, chrétiens et musulmans n’étaient pas d’accord avec ce découpage. Des musulmans voulaient une union avec la Syrie et se sont révoltés à plusieurs reprises, même des chrétiens surtout orthodoxes s’y opposaient car ils jugeaient qu’ils avaient été divisés et espéraient pouvoir s’unir avec leurs coreligionnaires syriens.
Mais le temps passe et la deuxième guerre mondiale arrive. Les français s’entretuent au Liban entre Vichy et De Gaulle et décident de partir, les libanais se retrouvent face à une question existentielle : que fait-on de ce pays ?
Certains chrétiens menés par Émile Eddé à l’époque préfèrent rester sous le mandat français. Certains musulmans revendiquent l’union avec la Syrie. Mais la majorité des chrétiens et des musulmans décident de vivre ensemble dans ce pays sous un accord principal fondateur : la neutralité. Communément appelé « les deux négations » ni Est ni Ouest.
Cet Accord rencontre une opposition dès les premiers jours de l’indépendance, un mouvement progressiste syrien gagne énormément du terrain dans les années quarante et revendique une union avec la Syrie. Ce mouvement est essentiellement mené par des chrétiens orthodoxes comme Antoun Saadé. Face à lui se retrouvent aussi des leaders chrétiens comme Pierre Gemayel ou Camille Chamoun ou Raymond Eddé.
Ce conflit n’a rien de religieux, n’a rien de sectaire. Les uns espéraient trouver un salut et une prospérité dans un pays neutre, en paix, indépendant et définitif, loin de tout conflit, et les autres espéraient une protection et une émancipation dans un grand pays arabe et de facto voulaient être le fer de lance dans tout conflit dans la région et embrassent la grande cause arabe de l’époque la cause palestinienne.
Beaucoup de musulmans étaient divisés à l’époque et la majorité se rangent du côté des souverainistes, Antoun Saadé est exécuté après sa tentative de coup d’état par un premier ministre sunnite. Jusqu’ici tout va bien la cohésion nationale est assurée et la majorité des libanais croient toujours en ce pays neutre, indépendant et définitif.
Vient 1956 et l’invasion du canal de Suez par la France et la Grande Bretagne, une grande partie des musulmans manifestent et veulent couper les liens diplomatiques avec la France et la Grande Bretagne, les chrétiens s’y opposent au nom de la neutralité et le conflit grandit, en 1958 les revendications se développent et une grande partie des musulmans, surtout sunnites, demandent l’Union avec l’Egypte de Nasser.
Les chiites sont divisés, beaucoup suivent les intérêts du Chah d’Iran qui était contre l’Union entre la Syrie et l’Egypte et se rangent du côté de Camille Chamoun.
Mais le mal est fait, 1958 fait plus de 1500 morts et ce principe fondateur de neutralité vole en éclat, le Liban n’existe plus.
Je vous épargne la suite des événements que nous connaissons tous, mais le sujet reste le même, un groupe veut vivre en paix dans une neutralité et une ouverture, croit profondément qu’une souveraineté sans neutralité est impossible, et un autre veut être le fer de lance dans tout conflit dans la région cherchant des alliances et parfois des fusions avec des pays plus puissants et plus grands qui inévitablement au premier conflit sérieux transformeront notre pays en champs de bataille et nous subirons soit l’occupation d’un pays ennemi beaucoup plus puissant soit l’occupation du soi-disant allié plus puissant et dans les deux cas une perte de notre souveraineté qui est à la fin notre liberté essentielle.
Les propagandes gauchistes anti religieuses veulent nous faire croire que la cause du problème est religieuse et que la solution est évidemment de supprimer les religions. Ils oublient qu’ils étaient à la base du conflit soutenant l’entrée des forces palestiniennes armées dans le pays.
Au début de la guerre il n’y avait aucune revendication religieuse, parmi les combattants palestiniens on trouvait beaucoup de chrétiens et les forces de gauche laïques se battaient à leurs côtés. Du côté des souverainistes se trouvaient aussi beaucoup de musulmans notamment chiites.
Nous n’avons pas combattu les milices palestiniennes parce qu’elles étaient musulmanes, nous les avons combattu car elles nous privaient de notre liberté essentielle et détruisaient notre économie et voulaient changer l’identité de notre pays. Au contraire dans les années 50 nous trouvions beaucoup de sympathie pour la cause palestinienne et beaucoup d’artistes libanais souverainistes comme Saïd Akl avaient écrit des chansons et des poèmes pour la cause palestinienne.
La religion petit à petit est utilisée pour mobiliser surtout après la révolution iranienne de 1978 et la création du Jihad Islamique. Certes des massacres ont eu lieu mais seulement entre les communautés qui étaient à plus de 90% dans un camp politique précis , comme les maronites les Druzes ou les sunnites. Il n’y a pas eu de massacres chez les orthodoxes ou les chiites car ces communautés étaient divisés. Les massacres bien qu’en apparence avaient un caractère religieux mais la raison de fond était bien politique, ces communautés auraient pu être boudhistes ou athées elles auraient subit le même sort.
Le problème est toujours exactement le même, que personne n’essaie de vous le décrire différemment ni une laïcité aurait pu éviter la rentrée des milices palestiniennes, vu que tous les partis de gauche laïques étaient pour ce combat armé palestinien et se battaient avec eux, ni une fédération aurait pu empêcher l’entrée des palestiniens, au contraire elle l’aurait encore plus facilitée.
Je suis pour la laïcité et la fédération et les deux ne sont pas incompatibles, certes le système doit évoluer mais le problème principal est d’une autre nature.
Sans revenir au principe fondateur, la neutralité, il n’y a pas de pays pour discuter du système.
Kamal Joumblat voulait une fédération politique en 1956 et a même écrit un livre dessus, mais voulait l’union avec Nasser.
Antoun Saadé revendiquait la laïcité, mais voulait une union avec la Syrie.
Et c’est là le fond du problème.
Notre combat ainsi que celui de nos parents et nos grands-parents est toujours le même. Ce n’est ni un problème de Zaims ni un problème de partis, (ils ont tous changé depuis) et encore moins un problème de religion.
Notre communauté ne peut pas vivre dans la servitude, soit on se libère, soit on se sépare soit il faut partir vivre librement ailleurs.
Le patriarche Sfeir l’avait très bien résumé : « si nous devons choisir entre le vivre ensemble et la liberté, à chaque moment nous choisirons la liberté ».
Elie Hayek