Le courage, selon moi, reste principalement confiné à une vision aristotélicienne étroite, celle de faire face à un danger réel menaçant la vie et l’intégrité physique (…) C’est cette vision du courage que je développerai dans mon récit pour poser la question du courage moral.
Le courage moral, c’est-à-dire le concept, différent du simple courage ancien, est un développement assez récent ; le terme n’apparaît en littérature qu’au XIXe siècle. Il a fallu une société largement pacifiée pour que les gens pensent à distinguer le courage de se tenir debout en réunion – le courage de risquer le ridicule, l’humiliation, la perte d’emploi ou l’ostracisme social pour dénoncer l’injustice, ou de défier un supérieur immoral –du bon vieux courage. Avant cela, se révolter contre les juges essayant de brûler votre voisin en tant que sorcier ou votre cousin en tant qu’hérétique pourrait vous faire brûler en tant que tel aussi. Votre vie était en jeu. Un jeune homme qui témoigne, ou qui a la capacité de témoigner, contre des personnes puissantes dans une certaine affaire d’explosion fait preuve d’un bon vieux courage ; sa vie est malheureusement très en jeu et probablement très courte (comme prouvé) en raison de son témoignage potentiel et/ou de ses preuves incriminantes. Nul besoin de recourir au courage moral pour le trouver digne d’admiration.
Mais le courage moral porte une condition éloquente qui, dans certains domaines, le distingue du courage physique. Le courage moral est un courage solitaire. Le courage physique n’est pas moins courageux d’avoir l’appui de camarades à gauche et à droite dans un mur de bouclier, et quand il doit s’accomplir seul, il n’en est que plus admirable. Mais le courage moral perd une grande partie de sa vertu lorsqu’il est soutenu par un groupe de soutien substantiel. Il faut peu de courage, moral ou autre, par exemple, pour s’élever contre la guerre ou contre la politique d’Israël dans un cadre universitaire du monde occidental.
Le courage moral, cependant, ne peut se passer du courage physique. Imaginez la personne qui, toute seule, dénonce une injustice dans une réunion hostile à la position morale et juste qu’il défend, mais qui se rétracte dès que quelqu’un menace de le frapper une fois la réunion levée. Le courage moral ne peut se laisser étouffer par un regard menaçant, ni même par une attaque physique. Malheureusement, il n’y a pas de révolution sans douleur…
Je ne revendique pas tout ce qui précède, je n’ai pas encore affronté ces moments et je ne le souhaite pas. Cependant, lorsque nous nous trouvons face à quelqu’un qui incarne le courage moral, le soutenir et se rallier à lui devient l’acte le plus important de notre vie.
Rester silencieux face au mal est, en soi ,une forme de mal.
Eddy Fakhry