La mort de l’accord Tripartite. Roger Bejjani


Ce 15 Janvier 2022 est le 36eme anniversaire de la récupération de l’esprit des 10000 martyrs des FL, des dizaines de milliers de civils victimes de la guerre Palesto- Syrienne, des mains de l’usurpateur Élie Hobeika et celui de la mort de l’accord tripartite.

Samir Geagea fut et sera toujours le gardien du temple FL. En temps de guerre comme en temps de paix.

Camille Chamoun, un grand homme de notre histoire, connaît le sens de l’intérêt suprême et dédaignait l’ego stupide que bcp de politiciens aujourd’hui embrassent et en font leur seul leitmotiv.


Hobeika, pragmatique pour certains et traître pour beaucoup d’autres, décida de composer avec Damas, avec évidemment l’ambition de devenir Roi (Président) aux mains des faiseurs de Rois (les Syriens). Sa visite à Sleiman Frangieh, l’aîné, était un signe évident de l’appui de la direction syrienne à Élie. Ce dernier dirigea en partie le raid contre Ehden en 1978 et Sleiman l’aîné (tout à fait comme le jeune, d’ailleurs) le savait. Il reçut Élie à la demande de Hafez el Assad. Élie, intelligent et sournois, plaçait la visite sous le sigle de l’unité des Maronites et des chrétiens ; tout en oubliant de préciser « en tant que vassaux de Damas ».
Amine était épouvanté à l’idée de voir Élie devenir l’homme fort choisi par les Syriens, puisque ceci voulait dire que son autorité de Président était marginalisée. Il se rendit compte que toutes les conférences de dialogue tenues à Genève/Lausanne n’étaient que perte de temps, et que toutes les concessions faites par lui pour gagner la sympathie, ou au moins l’indulgence de Assad, s’avéraient en rétrospective éphémères. Amine était aussi pragmatique qu’Élie concernant les rapports avec la Syrie, mais il aspirait à être, lui, l’« allié » de Damas, et non son agent. Comme, d’une part, les Syriens n’ont pas d’alliés mais seulement des agents et que, par ailleurs, Amine n’avait pas réussi à mater les FL, le régime Assad choisit d’adopter Élie Hobeika comme son « homme fort chrétien ».
Samir, blessé (moralement) par l’épisode de l’est de Saida, et surtout par l’exploitation malencontreuse et totalement injuste de cette débâcle par Élie, qui avait conséquemment réussi à prendre les rênes du pouvoir absolu des FL, se retrancha dans sa montagne au Nord, rentra dans le silence et… commença la planification. Il savait qu’Élie négociait avec les Syriens, et il connaissait assez Élie pour savoir que ce dernier était sans scrupules et dénué de principes. Élie était prêt à tout pour devenir l’homme fort du pays, et il n’avait aucun problème à devenir sans ambages un vassal des Syriens. Samir avait décidé des semaines, et même des mois avant le 15 janvier 1986, l’éviction d’Élie, voire même sa liquidation physique. Pour lui, Élie et ses hommes étaient devenus synonymes de cheval de Troie syrien au coeur des régions libres. Et il avait raison.

Un accord, concocté par Abdel Halim Khaddam, l’accord tripartite, dont les parties prenantes étaient Berri (Amal), Joumblatt (PSP) et Hobeika (FL), – le Hezbollah n’était à l’époque que preneur d’otages étrangers pour le compte de l’Iran sans aucune envergure populaire ou politique -, fut annoncé et signé à Damas. Cet accord confirmait la mainmise syrienne sur la « province » Liban. Le sordide slogan « alliance des minorités » (à savoir alaouite, chrétienne, chiite et druze) voyait le jour.
Amine s’arrachait sa parfaite chevelure à Baabda, assistant impuissant à la montée d’Élie à ses dépens aux yeux de Damas. Samir considérait que ceci n’était pas du pragmatisme, mais plutôt de la traîtrise, et que les FL ne pouvaient et ne devaient jamais devenir les alliés (ou plutôt les vassaux) d’un régime sanguinaire, qui avait assassiné leur chef fondateur Bachir, des milliers d’autres Libanais, et avait détruit Achrafieh, Zahlé et plusieurs autres agglomérations. Le leader emblématique Camille Chamoun et l’Église Maronite, en l’absence de Pierre Gemayel décédé deux ans auparavant, abondaient dans le sens de Samir, et ne pouvaient accepter que Hobeika, dont la moralité était inexistante et qui était reconnu comme étant l’artisan des massacres de Sabra et Chatila, devienne le maître absolu du pays, représentant le régime syrien au Liban.

L’alliance tactique d’Amine et Samir, et les bénédictions aussi bien de Camille Chamoun que celles de l’Église Maronite, rendaient possible un coup de force qui marginaliserait Élie, voire le liquiderait ou le pousserait à l’exil avec, comme résultat politique, le sabordage de l’accord tripartite qui serait annoncé mort-né.
Dix-huit jours après la signature de cet accord à Damas, en un jour pluvieux, le 15 janvier 1986, les troupes de Samir stationnées au Nord prirent la direction de Beyrouth. Il fallait neutraliser la caserne des unités de défense d’Adonis comme premier objectif. Chose vite faite. Malheureusement, Élie, contrairement à FAN dix-huit mois plus tôt, refusa de céder la place sans combat. Il savait pourtant que ses sbires ne faisaient pas le poids militairement contre l’armée aguerrie et loyale de Samir, et qu’il ne fallait pas s’attendre à une aide quelconque de la part d’Amine ou de l’armée (le Général Aoun, commandant en chef à l’epoque, avait ses propres ambitions). Très vite, Samir, le bonnet noir en laine sur la tête, arriva à la tête de ses hommes aux abords de la Quarantaine et encercla le siège des renseignements des FL, où Élie Hobeika et ses lieutenants étaient retranchés avec un visiteur providentiel : Élias el Murr.
Michel el Murr, richissime et vétéran de la politique politicarde, sachant que son fils unique Élias était pris au piège chez son ami Élie Hobeika, fit des mains et des pieds auprès du ministre de la Défense assez insignifiant de l’époque, Adel Osseiran, mais surtout auprès des Syriens et de Michel Aoun commandant en chef de l’Armée. Quelques heures plus tard, l’Armée libanaise et Samir concluaient un accord qui garantissait l’évacuation d’Élie
et de ses hommes à bord de véhicules de l’Armée sans être inquiétés.
Élie s’en alla donc sain et sauf pour Paris puis Damas, d’où il rejoignait Zahlé où il s’installa, sous la bénédiction des services syriens. Il devint, lui et ses hommes, clairement des barbouzes au service du régime syrien. En contrepartie, ce dernier leur permettra tous genres de trafics et rackets afin de remplir leurs caisses.
Samir devint le chef incontesté des FL et se mit au travail immédiatement avec un pragmatisme différent : consolider les régions libres militairement, économiquement et socialement, maintenir le statu quo sans ambitions de «libération » ou d’unification du pays, aboutir à une fédération ou même une partition de facto (à la chypriote), éviter les guerres, ouvrir un aéroport, et remplacer petit à petit un État déficient.

Extrait de “Liban, pourquoi et comment sommes-nous arrivés la?” ROGER BEJJANI La deuxième intifada des Forces Libanaises (pages 142, 143, 144, 145)

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